Introduction
Après avoir exploré le corps physique (annamaya), le corps énergétique (prāṇamaya), le corps émotionnel et mental (manomaya), nous franchissons maintenant un seuil plus subtil : celui du corps de sagesse, le Vijñānamaya Kośa.
Ce kośa représente la capacité de discernement, la faculté de reconnaître ce qui est vrai et ce qui est illusoire, ce qui nous limite et ce qui nous ouvre. C’est ici que se développe l’intelligence intuitive qui guide le mental, éclaire les émotions et aligne l’énergie.
Qu’est-ce que le Vijñānamaya Kośa ?
Le mot sanskrit vijñāna signifie « connaissance supérieure », « sagesse », ou encore « discernement ».
Ce corps subtil est celui qui :
Filtre les informations reçues par les sens et le mental ;
Distingue le réel de l’illusoire, le durable de l’éphémère ;
Éclaire les croyances limitantes qui encombrent notre mental ;
Guide nos choix en direction d’une vie plus alignée et plus libre.
On peut dire qu’il est comme le « conseiller intérieur » du mental : il lui souffle une autre lecture des événements et lui permet de se libérer de ses conditionnements.
Le rôle du discernement
Dans la tradition yogique, cette faculté de discernement est appelée viveka.
C’est elle qui nous permet de voir que :
certaines pensées ne sont pas « nous », mais simplement des constructions mentales ;
certains schémas répétitifs sont hérités de notre histoire et ne reflètent pas notre essence profonde ;
derrière les fluctuations du mental existe une conscience stable, vaste, libre.
Lorsque viveka s’éveille, nous commençons à transformer en profondeur notre rapport au monde. Nous cessons d’être prisonniers de nos conditionnements pour devenir acteurs conscients de notre vie.
Exemples de croyances limitantes
Le Vijñānamaya Kośa nous aide à discerner et à dépasser certaines croyances intérieures comme :
« Je ne suis pas assez souple pour faire du yoga. » → La sagesse nous rappelle que le yoga n’est pas une performance, mais un chemin intérieur.
« Je ne réussirai jamais à calmer mon mental. » → Le discernement nous apprend que chaque respiration consciente est déjà un pas vers l’apaisement.
« Je dois toujours contrôler ce qui m’arrive. » → La sagesse nous ouvre à la confiance et à l’acceptation du mouvement de la vie.
« Je ne suis pas digne de… » → Le corps de sagesse nous reconnecte à notre valeur intrinsèque, indépendante des jugements extérieurs.
Ces exemples montrent que la transformation n’est pas seulement mentale ou émotionnelle : elle vient d’un regard plus vaste, d’une compréhension profonde de ce que nous sommes.
Comment nourrir le corps de sagesse ?
Le Vijñānamaya Kośa ne se développe pas par l’accumulation de connaissances intellectuelles, mais par une expérience intérieure. Plusieurs voies y mènent :
La méditation et la contemplation : elles calment le mental et laissent émerger la vision juste.
L’étude des textes et de la philosophie du yoga (svādhyāya) : elles ouvrent des perspectives nouvelles sur nous-mêmes et sur l’existence.
L’observation de soi dans le quotidien : voir nos réactions, reconnaître nos schémas, discerner ce qui nous nourrit et ce qui nous enferme.
Les mantras et le silence : ils réorientent le mental vers une vibration plus pure, propice à l’intuition.
Vijñānamaya Kośa et pratique du yoga
Dans notre pratique posturale, le corps de sagesse se manifeste chaque fois que nous prenons conscience d’un schéma intérieur :
une habitude corporelle qui limite notre mouvement,
une croyance qui restreint nos possibilités,
une résistance émotionnelle qui se dissout lorsque nous respirons consciemment dans la posture.
Chaque fois que nous voyons plus clair, que nous reconnaissons une limitation et que nous choisissons de l’alléger, nous activons le Vijñānamaya Kośa.
Posture cible :
Gomukhāsana – la tête de vache
Cette posture illustre parfaitement le travail du discernement et de la sagesse :
Union des contraires : un bras monte, l’autre descend ; une jambe passe au-dessus de l’autre. La posture nous enseigne que des forces opposées peuvent s’unir harmonieusement.
Ouverture : elle assouplit les épaules et les hanches, zones où se logent souvent des tensions liées à nos conditionnements anciens.
Stabilité et intériorité : l’assise stable favorise la respiration profonde et la conscience de l’instant présent.
Pratiquer Gomukhāsana avec une respiration consciente permet d’observer nos résistances physiques ou mentales, et de développer une vision plus large qui dépasse les croyances limitantes.
Encadré pratique – Gomukhāsana (tête de vache)
Comment entrer dans la posture :
Assieds-toi au sol, jambes tendues devant toi.
Plie les genoux et croise-les, de sorte que les genoux soient l’un au-dessus de l’autre. Les pieds se placent de part et d’autre du bassin.
Plie le bras gauche et amène-le derrière le dos, coude vers le bas.
Plie le bras droit et amène-le derrière la nuque, coude vers le haut.
Essaie d’accrocher les doigts derrière le dos (ou utilise une sangle).
Redresse la colonne, relâche les épaules et respire profondément.
Bienfaits :
Ouvre les épaules et la poitrine, libérant les tensions.
Assouplit les hanches et les chevilles.
Renforce la colonne vertébrale et favorise l’alignement.
Symbolise l’union des polarités et le discernement intérieur.
Variations :
Avec sangle si les mains ne se rejoignent pas.
Assis sur une couverture pour soulager les genoux et allonger la colonne.
Variante bras seulement si les hanches sont trop tendues.
Précautions :
Évite si blessure récente aux épaules, hanches ou genoux.
Ne force jamais l’accroche des mains.
Privilégie une respiration calme et régulière.
Vers plus de liberté intérieure
Travailler avec le Vijñānamaya Kośa ne signifie pas abolir le mental, mais l’éclairer par la sagesse.
Petit à petit, ce corps subtil transforme nos croyances limitantes en ressources intérieures, nos conditionnements en choix conscients, et nous ouvre à une vie plus fluide, plus libre, plus lumineuse.