vendredi 19 décembre 2025

De la conscience au corps : le Shivaïsme du Cachemire comme voie incarnée





Dans le yoga, nous parlons souvent de conscience, de présence, d’attention.

Mais il existe une différence subtile entre comprendre la conscience et la vivre réellement.

Le shivaïsme du Cachemire, une tradition non-duelle issue de l’Inde, nous rappelle une chose essentielle :

la souffrance ne naît pas de l’expérience elle-même, mais de l’ignorance de sa véritable nature.

Cette ignorance n’est pas un manque de savoir, mais un oubli intérieur.


Une non-dualité incarnée

Selon le shivaïsme du Cachemire, il n’existe qu’une seule Réalité : la Conscience, appelée Śiva.

Mais cette conscience n’est pas séparée du monde.

Le corps, les sensations, les émotions, les pensées, la nature, les relations :

tout cela n’est ni un obstacle ni une illusion, mais l’expression même de la conscience en mouvement.

La souffrance apparaît lorsque nous croyons être séparés de ce que nous vivons, lorsque nous nous sentons à l’intérieur d’un corps, face à un monde extérieur.


Śiva et Śakti : conscience en mouvement

La conscience n’est pas figée.

Elle est vivante, dynamique, créatrice. C’est ce que l’on nomme Śakti, l’énergie de Śiva.

Chaque respiration, chaque sensation corporelle, chaque émotion est une manifestation de cette énergie.

Ainsi, le corps n’est pas à dépasser, mais à habiter consciemment.

Lorsque le corps est vécu comme un lieu d’écoute plutôt que comme un objet à corriger, quelque chose se détend.


Spanda : le frémissement de la vie

Le shivaïsme du Cachemire parle de Spanda, la vibration subtile de la conscience.

On peut la percevoir :

  • dans le souffle qui s’ouvre et se referme,

  • dans l’immobilité d’une posture tenue avec présence,

  • dans une émotion accueillie sans la juger,

  • dans le silence entre deux pensées.

Lorsque cette vibration est reconnue, l’expérience cesse d’être lourde ou conflictuelle.

Elle devient vivante et fluide.


L’éveil comme reconnaissance

Dans cette tradition, l’éveil n’est pas une conquête ni un état à atteindre.

Il est une reconnaissance (Pratyabhijñā).

Reconnaître que :

  • la conscience qui observe,

  • la conscience qui ressent,

  • la conscience qui traverse le doute ou l’apaisement

est déjà la même conscience universelle.

L’ignorance consiste à croire que nous sommes limités à nos pensées, à nos rôles, à notre histoire.

La reconnaissance dissout progressivement cette croyance.


L’ignorance, racine de la souffrance

Si la souffrance existe, ce n’est pas parce que la vie est imparfaite,

mais parce que la conscience se contracte, se croit séparée, fragmentée.

Le shivaïsme du Cachemire décrit cette contraction comme un voile, non comme une faute.

La pratique ne cherche pas à lutter contre ce voile, mais à l’éclairer par la présence.

Chaque instant vécu consciemment devient alors un pas hors de l’ignorance.


Une sagesse pour aujourd’hui

Cette voie résonne profondément avec le yoga tel que nous le pratiquons :

  • une spiritualité incarnée,

  • une attention au souffle, au corps, à l’énergie,

  • une transformation qui ne passe pas par l’effort, mais par la clarté.

Le yoga devient ainsi un art de reconnaître, plutôt qu’un moyen de se transformer.


En guise de conclusion

Lire ces lignes en fin de semaine, c’est peut-être simplement s’offrir un espace de pause et de regard différent.

Non pour ajouter un savoir de plus,

mais pour se souvenir que, dans l’expérience la plus simple — respirer, sentir, être là —

la conscience est déjà pleinement présente.

Et que c’est souvent l’ignorance de cette évidence,

bien plus que la vie elle-même,

qui est à l’origine de nos souffrances.

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